XIXème sommet de la Francophonie, le gouvernement français déroule le tapis rouge au président Obiang, chantre de la francophobie


Chantre d’un anti-occidentalisme viscéral forgé à l’ère de la post-indépendance, après son accession au pouvoir en 1979, le président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguéma réaffirme son l’alignement à l’ancienne Union Soviétique et à la Chine communiste, se rapprochant ainsi à leurs satellites (le Vénézuela chaviste, le Cuba castriste, la Corée du nord, la Lybie de Khadafi, le Zimbabwé de Robert Mugabé, etc). Plus récemment, le président Obiang a réalisé plusieurs voyages officiels en Russie et en Chine, au cours desquels il a conclu des accords stratégiques de défense, avec la Chine en vue de l’entrée en fonctionnement de la base navale de Bata, et avec la Russie pour le positionnement du groupe mercenaire Wagner dans son pays, Le régime Obiang devenant ainsi le principal allié de l’axe sino-russe dans la sous región, et leur relais auprès des régimes de l’Alliance des Etats du Sahel avec lesquels il entretient également d’excellents rapports.

Bien qu’il ait favorisé l’intégration de la Guinée Equatoriale dans la zone monétaire du franc CFA en 1984, et intégré postérieurement l’OIF, il n’a eu de cesse de fustiger l’impérialisme et le néocolonialisme de la France, à laquelle il attribue tous les maux des pays faisant partie de son pré-carré. Ainsi, lors d’un entretien récent avec le quotidien espagnol « La Razon » (paru le 21 juillet 2024), le président Obiang affirme que « les changements inconstitutionnels par coups d’états ont lieu essentiellement dans les anciennes colonies françaises à cause de la pauvreté qui les affecte, dès lors que la France pille leurs matières premières sans pour autant permettre leur développement. Tel le Niger ou le Burkina faso, ou elle exploite l’uranium nécessaire au fonctionnement de ses centrales nucléaires, alors que le pays est soumis à une grande pauvreté. Par ailleurs, bien que disposant de troupes stationnées dans les pays du Sahel, la France n’a pas réussi à stopper les groupes djihadistes apparues après la chute de Khadaffi, abandonnant les populations à leur sort. Ce qui pousse les jeunes à l’émigration vers l’Europe et entraine les coups d’état ».

L’animosité du président Obiang envers la France s’étant vue renforcée depuis la condamnation de son fils Teodoro Nguema Obiang dans le cadre du procès dit des biens mal acquis (BMA) pour les faits de détournement, recel et blanchiment de fonds publics. Ainsi, au cours de l’entretien précité, après avoir exalté la monarchie espagnole (symbole de l’unité espagnole et de l’hispanité), il renie toute proximité et tout lien politique avec la France (affirmant à cet effet que la France n’est pas le principal référent international de la Guinée Equatoriale), dès lors que le rapprochement entre les deux pays est indirect et circonscrit au domaine économique et monétaire en raison de l’appartenance à la zone franc CFA. En rapport à l’usage du français, le président Obiang précise que le français ne pourra jamais remplacer l’espagnol, et son usage n’entrainera pas un plus grand rapprochement envers la France.

Malgré ces signes ostentatoires d’inimitié envers la France, le président Emmanuel Macron a dépêché, le 12 août dernier, son conseiller pour les affaires africaines, Jérémie Robert, pour lui remettre en mains propres l’invitation au sommet de l’OIF qui se tient du 4 au 5 octobre à Paris et à Villers Cotterêts. Une marque de déférence à l’égard du plus ancien dictateur d’Afrique, le plus liberticide également (tel qu’établi par les agences spécialisées de l’ONU et par de prestigieuses OING telles qu’Amnisty International et Human Right Watch). Cleptocrate de son état (tel qu’avéré par l’enquête sénatoriale américaine sur la Riggs Bank, et par la condamnation prononcée dans le cadre du procès précité des biens mal acquis), classé au magazine Forbes comme l’un des chefs d’Etat les plus riches du monde, trônant depuis 45 ans sur un pays dont le taux de pauvreté avoisine 80%, et qui est placé à la 145 ème place du tableau de l’indice du développement humain publié sur 191 pays (pour l’année 2023). Ainsi, si la bienveillance à l’égard du président Obiang semble justifiée par l’encrage de la Guinée Equatoriale au sein de l’espace francophone africain, elle laisse néanmoins à désirer au regard du respect des valeurs que l’OIF incarne depuis la Déclaration de Bamako, et qui sont reprises par les Accords de Samoa adoptés récemment par l’UE dont la France constitue l’un des piliers.

En ce sens, la relation bilatérale France-Guinée Equatoriale met en exergue la dichotomie classique entre le droit des pays riches à la défense de leurs intérêts géostratégiques (en vue de leur prospérité) et l’aspiration légitime des peuples africains en proie à des régimes cleptocratiques et illibéraux à un modèle de gouvernance capable de promouvoir le respect de leurs droits politiques, économiques et sociaux. Dès lors que la persistance de la relation asymétrique entre ceux-ci est directement à la source de la pression migratoire exercée par l’exode massif des populations subsahariennes vers les pays riches. La mal gouvernance étant la cause première de la paupérisation de la plupart des pays africains, lesquels sont, par ailleurs, riches en matières premières.

Ainsi, malgré l’aggravation de la crise politique et sociale en Guinée Equatoriale, la relation bilatérale avec la France est demeurée fidèle à la doctrine de la stabilité stratégique et relationnelle. Bien que les échanges commerciaux ne représentent que 26 M d’euros en 2023 (80% moins qu’en 2013) pour l’ensemble des filiales françaises présentes dans le pays (Total distribution, Air France, Accor, Sofitel, Ibis, Société Générale, Bolloré Africa Logistics, Orange, Veritas, Bouygues, Razel-Bec, Sogea Vinci, Egis, CFAO, Castel). Le rétrécissement de leurs parts de marché se justifiant non seulement par la récession économique que connait le Pays depuis 2013, mais aussi par l’éclosion de la concurrence chinoise qui accapare désormais l’essentiel des marchés publics. Tandis que les filiales françaises demeurent proscrites des secteurs stratégiques du pétrole, du gaz et des minerais (en vue de conjurer les risques liés à l’interventionnisme politique français), et que d’autres encore, en proie à l’insécurité juridique environnante, sont purement et simplement éconduites par le régime Obiang (Total Distribution, Orange).

Face à ce délitement de l’emprise économique française, le rôle de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et de la promotion de la culture et de la langue françaises s’avère crucial dans la perspective d’un accroissement des échanges économiques et commerciaux entre les deux pays (suivant les préconisations du rapport Jacques Attali sur « La Francophonie et la Francophilie, moteurs de croissance durable »). Un objectif auquel contribue le gouvernement de la Guinée Equatoriale en finançant à hauteur de 80% le coût de la coopération bilatérale dans le secteur linguistique et culturel (en prenant notamment en charge les coûts de fonctionnement du centre Léopold Séddar Senghor et de l’Ecole française, dont il a par ailleurs financé la construction). Malgré ce soutien financier inespéré de la part d’un gouvernement destinant moins de 2% de son budget aux secteurs de l’éducation et de la culture, les efforts consentis à la promotion de la langue et de la culture française demeurent en réalité insignifiants, alors même que le Pays accorde la priorité (financière) à son intégration au sein de la CPLP et à la promotion de la langue portugaise (dont il n’existe presque pas de locuteurs nationaux).

A cet égard, l’essor de la coopération économique entre les deux pays engage également la sécurisation des voies d’échanges commerciaux. La France apporte ainsi son expertise militaire à la Guinée Equatoriale en vue d’assurer la sécurité maritime dans le Golfe de Guinée, en coordonnant la formation de l’armée nationale et de celles de la sous-région, dans le cadre de l’Ecole Navale à vocation régionale de Tica (Bata), entièrement financée par le gouvernement de la Guinée Equatoriale. La France oeuvre également à l’intégration de la Guinée Equatoriale au sein des instances de défense et de sécurité de la Communauté Economique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC).

Toutefois, si l’ancrage de la Guinée Equatoriale dans la zone CFA et dans le dispositif de surveillance maritime du Golfe de Guinée assure une convergence de vues et d’intérêts, d’importants points d’achoppement subsistent néanmoins entre les deux pays. Il s’agit d’une part du dossier dit des biens mal acquis (BMA), et d’autre part de celui du soutien affiché de la France aux prétentions du Gabon sur l’ilot de Mbanié (plus précisément sur les réserves pétrolières de la Baie de Corisco, sous souveraineté de la Guinée Equatoriale). Concernant l’affaire des BMA, et plus précisément du volet encore pendant auprès de la justice française (celui de la restitution de l’immeuble de Foch 42 à l’Etat équato-guinéen), le règlement politique souhaité par la Guinée Equatoriale en marge du dénouement judiciaire de l’affaire n’est pas envisageable. Elle continuera dès lors à envenimer les relations entre les deux pays. Quant aux revendications gabonaises sur l’ilot de Mbanié, induites par la découverte d’importantes réserves d’hydrocarbures par la société Elf dans les années 70, elles ne sont pas fondées sur un titre légitime. Dès lors qu’au terme des Accords de Paris de 1900, la France (à laquelle succède le Gabon) n’exerce pas de souveraineté sur les iles et ilots jouxtant son littoral, lesquelles sont placés sous souveraineté de l’Espagne, à laquelle succède la Guinée Equatoriale. Dès lors, l’intervention larvée de la France en soutien à la stratégie du « fait accompli » promue par le Gabon (la médiation tronquée par les affidés de la Françafrique, la désignation du professeur Alain Pellet pour représenter le Gabon aurès de la CIJ, la remise du titre de chevalier de la légion d’honneur à Guy Rossatanga par le président Nicolas Sarkosy, etc) apparaît comme un obstacle insurmontable dans la relation bilatérale France-Guinée Equatoriale.

En définitive, l’issue du différend frontalier sur l’ilot de Mbanié décidera du sort de la relation bilatérale France-Guinée Equatoriale, et quoi qu’il en soit, le retrait de la France est irréversible dans un contexte de continuité de la dictature des Obiang et de renforcement consécutif de l’implantation russo-chinoise. Laquelle fait partie d’un réalignement géostratégique général des pays de la sous-région contre les intérêts occidentaux, et plus particulièrement contre ceux des Etats Unis d’Amérique et de la France.

Radio Macuto Rédaction francophone

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